Deuxième partie
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L'origine de cette carte, manuscrite et aquarellée, est inconnue, tout ce que l'on sait d'elle c'est qu'elle a fait partie d'une "vente Souaty" en 1870. C'est la seule carte de Porquerolles qui fasse état d'un " Feu d'Assurance " dont le rôle était de prévenir de l'arrivée de pirates ou de voiles suspectes. On peut donc lui donner ce nom. Elle n'est ni datée ni signée, on verra qu'il est possible de la dater entre 1710 et 1740.
Elle est manifestement intermédiaire entre la carte de Phelipeaux que l'on date de 1693, dont elle reprend certains chemins et constructions et celle de Cassini relevée en 1778, qui a nommé de la même façon un grand nombre de points remarquables.
La forme de l'Ile est bien meilleure que sur la carte de Phelipeaux ou celle de Cassini. Ce plan est manifestement l'œuvre d'un topographe expérimenté, dans le détail de la côte, les plages et les falaises sont représentées d'une façon très précise, un effet de relief, du plus bel effet, a été rajouté aux falaises. Le réseau hydrographique est pratiquement absent, contrairement à la carte de Cassini et le relief sommairement représenté par un ombrage côté est.
Les Plaines de Notre Dame, de la Courtade, du Château, sont correctement représentées, par contre la plaine du Bon Renaud a été oublié et la partie montagneuse entre le Bon Renaud et le Langoustier complètement fausse, contrairement aux alentours des Mèdes, siège d'une activité économique.
Comme sur la carte de Phélipeaux on trouve une " texture " qui désigne les plaines et une autre pour les zones montagneuses, on est loin des " meringues" de la carte de Phélipeaux, les zones boisées sont parsemées de silhouettes d'arbres, avec leur ombre (soleil à l'est à 45° !). On peut en déduire que l'Ile était boisée sauf dans le centre des trois plaines qui devaient être cultivées, dans toute la partie ouest vers le Langoustier et vers les Mèdes.
Les chemins, ainsi que les constructions sont représentées en rouge, d'une façon peu précise, les points d'aboutissement sont quelquefois absents, il y a moins de chemins représentés que sur la carte de Phélipeaux et le réseau de chemins présent sur la carte de Cassini, n'avait pas encore été construit.
On va maintenant la décrire en détail en partant du Langoustier et en tournant dans le sens des aiguilles d'une montre.
Les forts du Petit et Grand Langoustier sont correctement représentés, une route relie le Grand Langoustier au Château, une source est signalée dans la vallée, à l'emplacement du grand réservoir du Langoustier, ce dernier existait peut être, on ne connaît pas sa date de construction, mais il pouvait y avoir eu un autre ouvrage antérieur dans ces parages. En revenant sur la presque ile, on trouve deux sources, on peut supposer qu'il s'agit de simples trous atteignant la nappe phréatique.
Mais l'élément le plus intéressant est la représentation précise du " Camp Louis XIV " qui a été construit probablement en 1708, 1709, après l'invasion en 1707 de la Provence par le Duc de Savoie et le siège infructueux de Toulon, Le Camp Louis XIV, en fait des fortifications à ras de terre pour abriter sommairement des batteries, ne comprenait pas d'autres constructions, hormis une citerne, représentée, elle aussi sur le plan. La carte ne peut pas être antérieure à 1707. Ce camp n'apparaît plus sur la carte de Cassini.
En commençant le tour de l'Ile, on trouve la baie du Langoustier, appelée Port du Langoustier, avec des points de sonde en brasse et en pieds on remarque le récif de la jaune garde, baptisé JAUMEGAINE puis le CAP ROUSSET (première mention sur une carte) et enfin l'AIGADE, avec une source, elle n'est plus reliée au château par un chemin, l'abandon de cette région va se poursuivre jusqu'à la carte de Cassini, le rivage n'est pas boisé jusqu'à la plaine du château. C'est la carte la plus ancienne où l'on voit apparaître Le BON RENAUD, la POINTE PRIME et le cap MAUBOUSQUET
La plage du château est traversée par le chemin qui relie la Grange du Seigneur au fort du Grand Langoustier, ce chemin n'est plus celui de la carte de Phélipeaux qui longeait la plage du bon Renaud jusqu'à son extrémité avant de s'enfoncer dans les terres, ce n'est pas non plus celui de la carte de Cassini.
Dans cette plaine on constate l'existence d'un Jas, il s'agit d'une bergerie ( ce mot s'est conservé, avec cette signification, dans les alpages) Cette bergerie est signalée par Millet de Mouville dans son mémoire de 1751 : " En suivant ladite plaine à droite il y a une belle bergerie pour les troupeaux de chèvres ou moutons, de laquelle on a fait enlever toutes les tuiles et chevrons. Les ruines de cette bergerie serviront un siècle plus tard pour édifier les murs du cimetière actuel, construit sur son emplacement.
De la plage, le long du ruisseau qui, à l'époque débouchait en mer au niveau du Pré des Palmiers, part un chemin en direction du cap d'Armes, mais il n'aboutit pas, il ne semble pas qu'il y ait eu une activité militaire notable à cette époque. Une source et une construction sont signalées dans la plaine, au niveau de la deuxième tranche des Palmiers, comme sur la carte de Phélipeaux. Ce point d'eau, une sorte de bassin d'une dizaine de mètres carrés, partiellement entouré de murailles et creusé au niveau de la nappe phréatique, a été remis au jour lors de la construction de la deuxième tranche des Palmiers avant de disparaître sous les constructions. Cette "fontaine" a du être utilisée jusqu'au début du 20eme siècle. La déviation du ruisseau en direction du village (la Garonne) a été réalisée postérieurement au plan, primitivement le ruisseau ne présentait pas de coude au niveau du pont desservant la place des Deux Etoiles mais allait droit sur la mer, traversant une zone restée longtemps marécageuse, le point d'eau, primitivement rive droite, s'est retrouvé rive gauche.
Millet de Mouville nous donne une description très proche, mais une chapelle, dont l'emplacement est toujours visible aujourd'hui a été construite : " du côté du nord, il y a un jardin cultivé et terrain très propre pour y faire tout ce que l'on désirerait en jardinage ayant à côté une très bonne fontaine intarissable au-dessus duquel jardin une petite maison nouvellement bâtie pour loger le jardinier et à côté dicelui jardin, une chapelle aussi nouvellement construite, fort bien décorée. Le dit jardin ayant un commencement de clôture de muraille de 15 toises de long et une écurie pour des cochons."
Nous arrivons maintenant a une zone habitée et abritant des activités, en remontant la crête du Fort de Porquerolles, on trouve successivement : un débarcadère, une construction, " le LOGEMENT DU PATRON ", puis la " GRANGE DU SEIGNEUR ", le château, avec deux constructions côté Courtade, et enfin le moulin. Une route dessert les bâtisses depuis la plage jusqu'au château, avec une bifurcation côté ouest, mais le moulin n'est pas desservi sur le plan; Les constructions sont, grosso modo, analogues à celles de la carte de Phélipeaux, mais le débarcadère et le moulin n'y étaient pas. On trouve le débarcadère et le moulin pour la première fois sur la carte des frères Oliviers datée de 1728, le moulin est signalé sur la carte de Bellin publié en 1764, et ce n'est qu'une ruine chez Cassini (1787)
Le mémoire déjà cité de Millet de Mouville nous donne une description de cette zone, manifestement un peu plus tardive que le plan: " Ensuite de cette plaine, on vient à la maison du seigneur situé dans le centre et en face du principal fort de l'île, ayant à droite et à gauche deux forts bonnes pièces de terre pour produire du froment.
La maison est presque neuve, d'environ 60 pieds de long sur 40 de large avec son rez-de-chaussée et premier étage seulement, ayant toute ses commodités pour loger un fermier, un ménage fort au large, excepté de cave qu'il n'y a point.
(Note dans la marge : Cette maison ayant été rétablie, la permission en a été donnée par le roi, avec condition qu'en cas de guerre, à la réquisition des Ingénieurs, elle soit démolie sans prétendre d'indemnité. Idem pour l'écurie)
Au-devant de laquelle maison il y a une écurie et grenier à foin par-dessus nouvellement bâtie et derrière icelle une aire pour fouler les grains, et à cent pas de la gauche et au-dessous du dit fort il y a une maison basse formant deux petites chambres. En revenant de ladite maison du seigneur, à 50 pas d'icelle, allant au port il y a un bâtiment construit en 1747 formant une forge avec son enclume, soufflet, étaux et outils nécessaires pour un maréchal et taillandier, et attenant, un logement composé de son rez-de-chaussée et d'une chambre au-dessus "
Toutes ces constructions ont été réalisées par Mr De Lenoncourt dans sa période d'investissement, lorsqu'il a repris possession de l'Ile au nom de ses enfants, d'après Millet de Mouville : " Cette île fut adjugée à 1737 par arrêt de la troisième chambre des enquêtes du Parlement de Paris moyennant 25500 livres, aux enfants mineurs de M. et Mme De Lenoncourt, ces derniers auraient renoncé à la succession de M. De Lenoncourt leur père, et fait porter leurs enfants héritiers bénéficiaires qui demandèrent la restitution de la dot de Mme de Molé, mère et aïeules des ci-dessus. M. De Lenoncourt père et administrateur du bien de ces enfants prit possession à leur nom de ladite île en 1739,... "
Il résulte de ces descriptions que le plan est très certainement antérieur à 1740.
Nous allons maintenant retourner au Langoustier en continuant le tour de l'Ile, ce qui réserve quelques surprises.
Deuxième partie : De Notre Dame au Langoustier en passant par le Sud de l'Ile
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