Porquerolles en 1828
Il ne s'est rien passé de particulièrement notable à Porquerolles en 1828. C'est simplement de cette année là qu'est daté le premier cadastre de Hyères et donc de l'île de Porquerolles (baptisé cadastre de Napoléon)
Il est possible, grâce au cadastre et aux matrices cadastrales associées, d'avoir une idée précise des parcelles et de leur propriétaire, on connait ainsi le parcellaire de l'époque que l'on retrouve assez souvent dans le plan cadastral actuel.
Ce cadastre à été établi pour servir de base à l'impôt foncier, dans les matrices cadastrales, dont un petit extrait est représenté ci dessous on trouve de nombreux renseignements : le Propriétaire, le N° porté sur le plan, la nature, la surface, le classement et le revenu, et pour les habitations, le nombre d'ouvertures, portes et fenêtres!
Le relevé est précis, rien n'a échappé aux enquéteurs ; autour des fermes on retrouve le poulailler, la cour, la porcherie, l'étable … et même le cloaque (probablement l'endroit où l'on entreposait le fumier et les déchets recyclables). Le plus petit lot est de 3m2 (la guérite de la maison du commandant), le plus grand dépasse 600 hectares (les Salis, ancien nom des Salins). Il faut noter que les forts militaires ne sont pas mentionnés (leur propriétaire n'était pas assujetti à l'impot!)
Ces documents sont consultables aux Archives du Var à Draguignan ou sur le site : Archives du Var 83 en recherchant la commune de Hyères
cote AC_069_22 et cote AC_069_23 pour les plans cadastraux (2 feuilles pour Porquerolles à l'échelle 1/5000)
et cote 3 Pp 889 pour les matrices cadastrales de départ (pages 236 à 245)
ce dernier document a été rendu plus accessible en le numérisant sous forme de tableau : matrices cadastrales de Porquerolles en 1828 Le relevé général de l'Ile et celui plus détaillé du village sont donnés dans la section cartes anciennes : Relevé cadastral de 1828
On a utilisé les recensements de population de 1841 et 1846 pour retrouver la plupart des habitants de Porquerolles en 1828, en "remontant le temps."
Propriétaires de l'île de Porquerolles de 1789 à 1828
Avant la Révolution de 1789 l'île appartenait à 2 propriétaires : Sublet d'Hendicourt comte de Lenoncourt (les ¾) et Anne Gaspard de la Croix de Castries,(la région de Notre Dame) ; les militaires s'étaient réservés les Forts de l'Alycastre et du Langoustier, le Grand Fort de Porquerolles (Fort Sainte Agathe) et ses environs avec un hôpital militaire où logeait une compagnie d'invalides, il n'y avait aucune autre propriété privée. Cette situation a duré jusqu'en 1794 l'île a alors été occupé par les Anglais, chassés de Toulon par Bonaparte et une partie de la population a émigré en embarquant dans les navires anglais, et notamment les deux propriétaires.
La République a repris le contrôle de l'île, après le départ des anglais qui, au passage, avaient fait quelques destructions. Le propriétaire de fait fut alors l'armée, les biens des deux émigrés étant décrétés biens nationaux.
En 1798 le centre de l'île, en excluant toute la bande côtière sur 200 ou 300m environ a été vendu aux enchères à Philippe MAQUANT, habitant de Brignoles. Puis racheté en 1804 par Louis Honoré REGIS , un homme de loi.
En 1821 la Restauration ayant décidé la restitution des biens confisqués par la Révolution aux émigrés, le comte Sublet d'Hendicourt DE LENONCOURT , fils de l'émigré, acquiert conjointement, avec M. MICHEL les terrains détenus par Louis-Honoré Régis Le Génie refuse de rétrocéder la majorité des terrains occupés par les militaires, dont le village, ce qui provoquera un procès qui durera trente ans.
En 1825 les propriétaires ont essayé de vendre l'Ile au Ministère de la guerre, un mémoire du génie, établi à cette occasion nous résume la situation foncière de Porquerolles
En 1827 MICHEL devient le seul propriétaire, mais DE LENONCOURT continue la procédure pour récupérer les terrains occupés par l'armée, il obtiendra partiellement satisfaction par un compromis signé en 1851 et rentrera alors à nouveau, en possession d'une partie de l'île, dont le village.
Les différents propriétaires civils n'ont pas vraiment investi dans l'île, ils ont tirés quelques bénéfices des fermages prélevés sur les rares agriculteurs (2 familles en 1810) et surtout de l'exploitation du bois utilisé en grande partie par la fabrique de soude de Port Cros puis par celle de Porquerolles.
Lors de l'établissement du cadastre, les seuls propriétaires fonciers sont
Le Gouvernement avec 160Ha de bois, bruyères et pins, 63Ha d'essarts, 5Ha de Paturages, 5Ha de terres labourables, et quelques jardins pour environ 1Ha
Louis MICHEL, le "Propriétaire de l'île" avec 830Ha de bruyères et pins, 65Ha d'essarts, 3Ha de paturages, 21Ha de labours et 4000m² de jardins et d'oliviers.
RIGAUD, CREMIEUX et Vve DUPEYRAT
(la fabrique de Soude), avec 18 hectares d'essarts achetés à MICHEL en 1826
Charles PELLET, boucher, avec une vigne de 5 hectares et un hectare d'essarts achetés à MICHEL
… et la Commune de Hyères avec 160M2 pour le cimetière, créé en 1823 sur un terrain concédé à perpétuité à la commune.
La propriété privée n'est cependant pas absente de Porquerolles grace au régime des concessions institué par le Génie militaire. Voila ce que nous dit l'abbé BOSON dans son Guide du touriste à Porquerolles "Pour récompenser les Invalides, la plupart mariés, qui gardaient la forteresse de Sainte Agathe, le Génie militaire, en 1820, accorda à ces vieux serviteurs des concessions pour neuf ans avec renouvellement obligé. Ces concessions favorisèrent la création du village actuel. Les bénéficiaires jouissaient de droits égaux aux droits des propriétaires. Ils pouvaient acheter, vendre et louer. Seule une modique redevance leur était imposée ; et le Département de la Guerre se réservait simplement le droit de résilier les baux dans les cas où les besoins du service militaire viendraient à l’exiger" En 1828 il ne devait plus guère y avoir d'Invalides, ces concessions avaient été rachetées ou avaient été attribuées à d'anciens habitants, des commerçants, des officiers, des douaniers ... Le plan du village actuel est resté basé sur celui de 1820 qui prévoyait la création de la Place d'Armes. Le Génie a joué un rôle mageur dans l'architecture du village On trouvera donc en 1828 une quinzaine de propriétaires, propriétaires de leur maison mais pas du sol.
Partie ouest de l'île
Le Géomètre a commencé le relevé des parcelles en commençant par la presqu'ile du Langoustier, puis en parcourant la côte nord jusqu'à l'entrée du village avant de repartir vers le sud en suivant la Garonne.
L'île du Petit Langoustier et la presqu'île appartiennent au gouvernement, une petite construction (18m²) est signalée à l'arrière de la plage du Langoustier. On trouve ensuite, sur un terrain de 18 hectares, la Fabrique de Soude toute neuve, elle avait été construite en 1826 en moins d'un an et appartenait en 1828 à un groupe de négociants marseillais : RIGAUD, CREMIEUX et Vve DUPEYRAT.
Il y avait, au bord de la mer , un môle de 144m² destiné à recevoir les tartanes qui amenaient le soufre de Sicile, le nitrate de sodium du Chili, de la craie, du charbon des houillères du Gard (quant les bruyères de l'île se sont raréfiées) et qui emportaient la "soude factice" (du carbonate de sodium) aux savonneries de Marseille
Ensuite, toute la bande côtière appartient au Gouvernement, il n'y a aucune construction signalée à l'Aygade et il faut arriver au Bon Renaud pour retrouver des constructions : un corps de Garde de 84m², une poudrière de 50m² et un logement de 28m². Tout ce qu'il faut pour abriter une section de cannoniers . C'est ici que sera construit une vingtaine d'année plus tard, le fort du Bon Renaud. Toute la plaine du Brégançonnet (non cultivée), appartient à MICHEL, la ferme n'est pas encore construite.
Entre la pointe prime et la pointe de Malbousquet se trouve le Polygone, probablement un terrain de manoeuvre pour les militaires. On y trouve un l'emplacement d'un bâtiment de 96m² avec un four, il existe toujours sous le nom de la Bergerie. en continuant vers le village, en bordure de la rade on trouve une vigne, une terre labourable et une pâture appartenant au gouvernement mais probablement louées à un exploitant. On arrive à la Garonne avec deux petites terres appartenanr à MICHEL, il y a là actuellement la Résidence des Palmiers. Puis on repart dans la plaine du Village dans le domaine cultivé de MICHEL où l'on trouve des terres labourables, environ 15 hectares, deux hectares de Vignes, quelques oliviers, et surtout des essarts : 36 hectares. Il faut noter le cimetière (160m²) édifié à l'emplacement d'une ancienne bergerie, elle s'appelait jas sur la carte de 1725, il est vraisemblable, vu la surface et la forme, que le cimetière était englobé dans les anciens murs de la bergerie. Il s'agit là du point de départ du cimetière actuel. Juste après on trouve un terrain d'un hectare avec un puits acheté par PELLET à MICHEL, probablement pour faire de l'élevage.
MICHEL possède tout les hauts du Brégançonnet, 357 hectares, sauf la Calanque, les Gorges du Loup et le Cap d'Armes ainsi qu'une petite enclave avec une construction : la Vigie de 36m² , qui était à l'époque en activité et qui subsiste actuellement à l'état de ruine.
En revenant par la crète vers le village, on trouve une dizaine d'hectares d'essarts appartenant à MICHEL puis 35 Hectares de bruyères et pins du Gouvernement: la calanque de l'Oustaou de Diou, et celle des Salins et enfin une parcelle de 608 hectares : les Salis, devenus maintenant les Salins et possédée par MICHEL. Cette parcelle comprend la majeure partie de l'est de l'ile, elle va de la Courtade aux Mèdes. La Courtade, que l'on appelle à l'époque La Croutade, n'est pas cultivée, à l'exception de 5 hectares de labours propriété de MICHEL et d'un jardin de 4000m² appartenant au Gouvernement, qui possède également une cave de 20m².
En revenant vers le village en passant par le carrefour des 4 chemins, on ttouve une grande parcelle de 16 hectares, qui appartient au Gouvernement, elle englobe le fort Sainte Agathe et le moulin en ruines. Mais ce dernier est la propriété de MICHEL, le précédent propriétaire, REGIS, avait vendu une partie du terrain, mais avait gardé le moulin, évalué trop bas, à son avis (voir l'évaluation faite en 1818). De retour dans la plaine de Porquerolles, mais maintenant côté rive droite de la Garonne, nous trouvons, au sud du champ d'oliviers actuel (qui n'existait pas à l'époque), une vigne de 5 hectares appartenant à PELLAT, au lieu dit "la pisse longue", et quelques parcelles de MICHEL, puis nous arrivons au village.
Le village
L'enquéteur est arrivé par la route du phare qui à l'époque ne conduisait pas au phare, qui sera construit en 1830, mais au cap d'Armes. La carte de 1818 indique qu'il y avait là 3 maisons relativement importantes.
En 1828 deux existent encore mais ont été remaniées ou reconstruites, on trouve, rive gauche de le Garonne, avec un accés par le petit pont en briques, qui existe encore de nos jours, le logis du propriétaire de l'île, MICHEL. C'est une bâtisse de 200m², avec une dizaine de fenêtres, entourée de tout l'environnement d'une résidence campagnarde de l'époque : cour de ferme de 350m² jardins, poulailler et pigeonnier, four, puits, réservoir ... Cette maison n'existe plus de nos jours. les villas des Confidences sont construites sur cet emplacement
On remarquera, sur la rive droite, à côté du pont, un "sol de maison" dont la forme évoque celle d'une chapelle; il s'agit probablement de l'ancienne chapelle reconstruite vers 1750 par de LENONCOURT, signalée par Millet de Mouville et disparue depuis longtemps.
De l'autre côté du chemin on trouve la "Maison du Commandant", désignée ainsi sur le cadastre, ce nom s'est transmis juqu'à nos jours. Elle servait de résidence au commandant des Iles d'Hyères, à l'époque c'était De LABRUYERE, chef de bataillon, nommé à ce poste en 1816. Sur le cadastre actuel, elle a un plan identique. C'est la plus vieille maison du Village, reconstruite entre 1811 et 1828 comme nous l'indique une note relative au plan du village daté de 1818 « Le N° 1 a été acheté au Sieur Agarrat par l’État en 1811 et augmenté depuis cette époque »
La famille AGARRAT est présente dans l'île depuis 1750 environ et a dû devenir propriétaire de cette bâtisse après le départ de De LENONCOURT qui a émigré en 1794, c'était vraisemblablement la résidence du régisseur. Après être restée pratiquement deux siècles dans le domaine militaire, elle a été achetée récemment par la Municipalité de Hyères. Elle présente en 1828 le même environnement que sa voisine : Il y a cependant une guérite, aujourd'hui disparue, qui souligne le caractère militaire de la résidence. La maison a une surface au sol de 126m², avec jardin, verger de 380m² chacun, une cour de 540m², une terrasse, un puit, un poulailler et un cloaque de 21m².
En continuant vars la Place d'Armes, on trouve, après le pont du chemin du Langoustier, une maison de 40m² appartenant à MICHEL, Une villa est aujourd'hui construite sur cet emplacement.
En face, est construite une petite maison de 25m² appartenant à Mme VARRILLAUD Vve MARTINY, probablement la veuve d'un invalide
Ensuite, sur le côté ouest de la future Place d'Armes 3 maisons ont été édifiées avant la rue de la douane, évoquée sur le plan mais inexistante à l'époque, celle de André MISTRE de 60m² , puis celle de Joseph MILLET, Chirurgien Aide Major, de 90m² et enfin celle de Joseph THOLLON, marchand, de 250m², avec quelques dépendances, jardin cour, hangar, puits, poulailler, l'orientation des bâtiments est parallèle à la future rue du phare.
La maison de Mistre a été achetée par Jean Baptiste Gouttand (Négociant), elle a été ensuite été louée par la municipalité de Hyères vers 1850 et a servi d'école aux enfants de Porquerolles jusqu'à la construction de l'école actuelle (1880)
En continuant après la rue du Phare,nous trouvons deux constructions qui respectent l'alignement de la place, celles de VIGANIGO cordonnier, de 54m². Il habite ici avec sa femme, Sébastienne née BRUNCLAIR et trois enfants : Joseph, Joséphine 4 ans et Charles, 1 an.Puis une étable avec grenier appartenant à PELLET (c'est sur cet emplacement que l'abbé BOSON construira sa demeure)
Viennent ensuite deux barraques (comme on écrivait à l'époque) de 24m² et 9m², vraisemblablement destinées à être détruites, et appartenant à THOLLON. Ce dernier va quelques années plus tard édifier un hôtel. Dans le Guide des voyageurs de P. N. Fellon publié en 1834, il est indiqué : dans "L’ILE PORQUEROLLES.
Hôtel de M. Thollon avec jardin d’agrément, prend pensionnaire et
donne des logemens garnis"
On va maintenant parcourir les habitations de nord de la Place d'ouest en est. Il y en a une dizaine, impeccablement alignées. La première en partant de l'ouest appartient au gouvernement, ensuite nous trouvons l'habitation de Jean Marie CAMOIN (98m²), avec un petit jardin. CAMOIN était Receveur des Douanes, Il est marié à Elisabeth (née AULLIONE) et a deux fille Christine, agée de 28 ans et Henriette (35 ans) qui a épousé Pierre CATELIN.
Christine CAMOIN a été la première institutrice de Porquerolles (vers 1850);
Aprés une maison propriété du Gouvernement, nous trouvons la demeure de
Charles PELLET, Boucher, il possède une maison de 67m², une cuisine séparée de 22m² et une loge à cochons de 11m². PELLET a d'autres propriétés dans l'île, un hectare de terres, 5 hectares de vignes, et une grange. Il habite une maison spacieuse avec ses deux fils ,un ou deux domestiques, un berger...
Les descendants de Charles Pellet resteront dans l'île jusqu'au début du XXème siécle.
une descendante,Catherine DORE, a reconstitué l'histoite de cette famille dans l'île de Porquerolles.
Ensuite vient le logis de Vincent JULIEN (28m²), accoté à une étable (28m²) et, côté mer, la maison d' Etienne JULIEN (36m²), bordée par un cloaque(10m²) et disposant également d'une écurie (26m²).
La nébuleuse JULIEN comprend déjà 4 familles et quelques frères et soeurs:
. Vincent JULIEN (50 ans) est patron pêcheur, Son épouse Marie , (née JACOUD) a 26 ans et ils ont un fils Victor de 10 ans et une fille Joséphine
Etienne JULIEN a 38 ans il a épousé Marie, née ESTIENNE (32 ans)
François JULIEN, 37 ans est patron de bateau avec son épouse née GOUGE et leur fille Joséphine de 4 ans
Ces deux JULIEN sont nés à Porquerolles. Etienne a été baptisé le 22 mai 1788 et son cousin François le 24 juin de la même année, leurs parents, probablement deux frères, étaient arrivés, en provenance de Bormes, pour s'installer comme fermier en louant des terres au Propriétaire de l'île
D'autres membres du clan Julien doivent également habiter dans les parages : Pierre 27ans et son fils Florentin 8ans , Virginie 11 ans, Rosalie 21 ans Henriette...
La maison suivante appartient à Balthazar BLANC, Douanier de son état, Marié à Antoinette née ROBERT. Ils ont 3 fils, Barthélemy 17 ans , Jean 15 ans et Jean-Jacques on les retrouvera en 1841 Cordonnier , Tailleur et Patron du bateau du propriétaire.
Un bel exemple d'intégration réussie à Porquerolles !
Les 4 lots suivants appartiennent à un investisseur Henri RAYMOND entrepreneur à Toulon, la première de 60m² comprend une maison et un magasin, la deuxième (35m²) est une maison et la troisième de 46m² comprend également une maison et un magasin. ces trois bâtisses étaient vraisemblablement louées. La quatrième de 98m² est en ruines, elle sera bientôt reconstruite.
Cette maison en ruines a joué un "rôle fondateur" lors du tracé de la future place comme on peut le voir sur le plan cadastral : toute les maisons au nord seront alignées sur sa façade et toutes les maisons côté est seront alignées sur l'axe de symétrie de cette maison, marqué probablement par la porte palière. Mais un point et un angle droit ne suffisent pas à définir un rectangle, le géomètre a pris comme point diamétralement opposé l'angle ouest de la baraque de THOLLON, comme on peut le constater sur le plan précédent. Le géomètre a économisé la pose de bornes! Le plan initial mettait la façade de l'Eglise dans l'alignement du cûté sud du rectangle, c'est ainsi quelle sera construite. Mais plus tard, la place sera augmentée d'une dizaine de mêtres pour faire ressortir l'église. La place d'origine était plus grande que maintenant car elle a été amputée des terrasses louées par le Génie Maritime, puis la Municipalité, aux riverains.
En face cette maison nous trouvons un café de 130m², tenu par Françoise LARNAC, profession : caberétine. C'est une grande maison, avec 17 fenêtres, on peut supposer qu'il y avait un étage et qu'elle louait quelques chambres. C'est l'endroit idéal pour ouvrir un débit de boisson, la clientèle était formée essentiellement par les militaires en garnison ou de passage dans l'île. Nous retrouverons une Marie LARNAC en 1841, probablement sa belle fille.
Un peu plus loin, en remontant ce qui deviendra le côté est de la Place d'Armes, une deuxième maison, avec cour et jardin, a été édifiée par RAYMOND, et probablement mise en location.
A cette époque la rue de la douane n'existe pas et son tracé n'est même pas évoqué sur le cadastre, les maisons suivantes, probablement antérieures à 1820, ne respectent pas l'orientation générale donnée par la place d'Armes, elles seront démolies par la suite. En dehors d'une barraque de 61m² appartenant au Gouvernement, nous trouvons 4 jardins, dont les occupants "payent redevance au gouvernement": BLANC (2 jardins) et Vincent JULIEN, que nous avons déjà rencontrés, et Pierre ALLEGRE, marin, qui est l'époux de Marie JULIEN. Ils ont une fille 23 ans qui a épousé un Sous Officier Christophe PENIN et ont une fille Mélanie agée de 2 ans.
Nous avons ensuite une maison(45m²) et un jardin, appartenant à THOLLON. Vient ensuite une petite barraque de 9m² propriété de BLANC, contigue au logement des douanes de 195m² (12 fenêtres), lequel est agrémenté d'une terrasse et d'un jardin. Une grande bâtisse de 139m² avec terrasse et jardin appartient à l'Intendant de Santé César MOURRE, avec, à côté, une petite maison de 40m² dont le propriétaire est Charles BRUIN-CLERC, Cantinier. Il y habite avec sa femme et deux enfants : Antoine 26 ans qui sera par la suite gardien du Phare de Porquerolles, probablement le premier gardien ; et Christophe 23 ans qui sera employé au phare Leur patronyme a légèrement changé : c'est désormais BRUNCLAIR. Une fille, Sébastienne 25 ans, a épousé il y a quelques années, le cordonnier VIGANIGO . La dernière maison de ce quartier est celle de Etienne AGARRAT (59m²), commissaire de Marine à Hyères. C'est la dernière fois que l'on verra le nom d'AGARRAT, cette famille était la plus importante du village entre 1750 et 1790. Un douanier Louis PROUDEN possède un jardin à côté
Le géomètre c'est ensuite dirigé vers le port puis a passé en revue les bâtiments militaires en remontant vers le fort Sainte Agathe. Face au môle construit deux ans avant par la Génie Militaire on trouve, sur le terre plein, utilisé actuellement par les pompiers, et probablement construit à cette époque, la maison du génie (108m²)avec une guérite (4m²),le corps de Garde (35m²) et la maison du garde (40m²) ainsi que qu'une terrasse et une cour.
En remontant vers Sainte Agathe et en pénétrant dans le domaine actuel de l'IGESA on trouve la boulangerie du Génie Militaire, un grand bâtiment de 230m² devenu de nos jours la Madrague, et sur la petite hauteur qui sépare le village de la Courtade plusieurs bâtiments reconstruits vers 1810-1820, sur les ruines de l'ancienne demeure de De LENONCOURT qui datait d'environ 1730. Vers 1750 MILLET DE MOUVILLE nous décrit ainsi cette exploitation :
"La maison est presque neuve, d'environ 60 pieds de long sur 40 de large avec son rez-de-chaussée et premier étage seulement, ayant toute ses commodités pour loger un fermier, un ménage fort au large, excepté de cave qu'il n'y a point...
Au-devant de laquelle maison il y a une écurie et grenier à foin par-dessus nouvellement bâtie et derrière icelle une aire pour fouler les grains". En 1828 la maison est devenue le Pavillon de 210m² et la Grange, une caserne de 230m², la cour a été fermée à l'est par un logement pour les officiers, et divers bâtiments ont été construits aux alentours, d'autres logements pour officiers, une cantine, une cuisine, des magasins et il y avait même une loge a cochons!
On retrouve sur la photo ci dessous, vers 1900, l'allure générale de ces bâtiments qui n'ont presque pas évolué depuis leur édification (voir le plan de 1818). Et actuellement ils ne sont guère différents. Le terrain plan vers la mer était occupé par les canons de la Batterie des Lions.
Un peu plus au sud, on trouve l'Eglise de 162m², probablement un bâtiment militaire aménagé, elle remplaçait l'ancienne, construite au delà de Sainte Agathe, qui devait être insuffisante ou en ruines, Le curé était un aumonier militaire, comme au siécle précédent. L'église actuelle, bien qu'indiquée en traits fins sur le cadastre, ne sera construite que 20 ans plus tard. L'Aumonier militaire était l'abbé Pierre BONALDY agé de 62 ans
La Courtade, Notre Dame, les Mèdes et la Galère
Toute la partie de l'île entre le chemin des Mèdes et le rivage appartient au Gouvernement. Le premier tiers de la plage de la Courtade est occupé par une terre labourable de 0,5Ha, une pature, un jardin de 0,7Ha et des essarts pour plus de 7 hectares. Il y a ensuite 32 hectares de bois qui vont jusqu'au Lequin où l'on trouve un logement de 46m² et une poudrière de 28m² . C'est là que s'était installé, après la reprise de l'île en 1794, la batterie Républicaine. Sur cet emplacement sera édifié vingt ans plus tard le fort du Lequin. Aprés avoir passé un bois d'un hectare avec le fort de l'Alycastre, non mentionné dans le cadastre, on arrive à la Plage de Notre Dame avec 7 hectares d'essarts et une masure de 33m², au niveau de l'embranchement actuel du chemin des Mèdes et de Notre Dame.
Presque en face, commence l'ancien domaine de Notre Dame, avec une masure de 20m² . Nous rentrons là dans une parcelle de plus de 4 hectares, non cultivée (essarts) avec un puits et "les ruines du couvent de Notre Dame" de 290m² . Ces ruines ne sont pas celles d'un couvent, mais plus vraisemblablement celles d'une Tuilerie, comme indiqué sur la carte de Cassini. Il est probable que l'ancien propriétaire, Anne Gaspard de la Croix de Castries, avait réamménagé les locaux pour y résider. On trouve actuellement sur cet emplacement la "Maison Carrée" édifiée plus tard par DE ROUSSEN. Cette zone a été délaissée depuis 1794, pourtant avant cette époque elle était la mieux cultivée de l'île, au point que DE LA CROIX avait essayé en 1778 de faire expulser par la justice les frères De LENONCOURT de leur territoire car il était à l'abandon, pour bien entendu, prendre leur place!
L'arrière de la plage Notre Dame est propriété du Gouvernement (26 ha), de même que la montagne des Mèdes (31 ha). On y trouve un logement de 240m² et un poulailler de 26m², les servants de la batterie qui se trouvait là avaient au moins des oeufs frais!
Toute la zone côtière vers le Galéasson, la Galère, sur une zone étroite de plus de 1Km de long, appartient au Gouvernement, cela représente 31Ha. Il y a une construction de 180m² qui servait de logement aux servants de la batterie installée sur les rochers près de la crique de la Galère, les crochets servant à enchainer les canons sont encore là. On trouve les ruines de cette bâtisse à 200m environ en direction du GALEASSON. Sont signalés ensuite les ilots du Grand et du Petit Sarranier, ils appartiennent à MICHEL et sont déclarés incultes bien évidemment!
Ce sont les derniers lots des matrices cadastrales relatives à Porquerolles.
Population de Porquerolles en 1828
Porquerolles est quasiment un territoite militaire, il y a au moins 5 fois plus de militaires que de civils. l'Armée maintient les batteries qui ont été installées après le départ des Anglais : Sainte Anne près du fort du Langoustier, Le Bon Renaud, la Batterie des Lions au dessus du village, La Batterie républicaine au Lequin, la Batterie des Mèdes et celle de la Galère. Il doit y avoir une compagnie de canoniers et une compagnie de fusilliers en accompagnement. Ces militaires sont logés à côté de leurs batteries dans les constructions édifiées par le génie militaire ou dans les forts de la Lycastre et du Langoustier. au dessus du village on trouve une section du Génie Militaire et l'Etat Major de la Garnison, principalement logé dans le village. Il s'agit du commandant de la Place installé bien entendu dans la Maison du Commandant, de l'Aumonier logé prés de l'eglise du Génie, du Médecin : Joseph MILLET, Chirurgien Aide Major, de l'Intendant de Santé César MOURRE, du Cantinier BRUIN-CLERC
Il y a un contingent de douaniers et même un receveur des douanes, les navires qui faisaient escale devaient être contrôlés, quelques douaniers se fixeront dans l'île.
les civils sont répartis en 2 groupes de quelques dizaines de personnes chacun. Les employés de la Fabrique de Soude qui logent près de leur usine au Langoustier, et les villageois. L'île a intéressé des commerçants qui ont été attirés par le marché captif de la garnison, certains se sont installés définitivement à Porquerolles : la cabaretière, le cordonnier, le boucher, ce dernier était aussi éleveur et viticulteur. Les agriculteurs sont en petit nombre, en dehors du propriétaire de l'île, il n'y a que 2 familles, qui sont arrivées avant 1790 et qui se livrent également à la pêche. Nous ne connaissons que les propriétaires, il devait y avoir des habitants en location et d'autres logés de façon précaire, le manque de logements est habituel à Porquerolles!
Nous trouvons 16 proriétaires habitant l'île et deux habitant Toulon ou Hyères
Le Chirurgien MILLET, l'intendant de santé MOURRE et le marchand THOLLON ne sont restés dans l'île que quelques années et n'y ont point laissé de descendance, de même que Mme VARRILLAUD Vve MARTINY et MISTRE, mais par contre, tous les autres propriétaires ou leurs descendants étaient dans l'île lors du recensement de 1841.
Nous pouvons complèter la liste de habitants de Porquerolles, grâce à ce recensement, en rajoutant des familles qui devaient être en location. Nous avons deux boutiques vides, elles sont vraisemblablement occupées par un boulanger et un forgeron, professions indispensables dans un petit village à l'époque. Le boulanger c'est Simon Honoré NOBLE avec 4 enfants : Eugéne 29 ans, qui travaille à l'usine de Soude; Clémence 16 ans Elise 8 ans et Thérèse 7 ans
Le maréchal ferrant ou forgeron s'appelle Blaise PELLEGRIN (32 ans) avec 2 filles Joséphine et Thérézime de 11 et 2 ans
on peut rajouter à cette lise : VACCARIO, patron pêcheur, GRIMAUD, journalier et RIGAUD, un des propriétaires de la fabrique de soude, agé de 37 ans.
Lors du recencement de 1901, sur les 14 personnes nées en 1829 ou avant, donc qui avaient au moins 72 ans à l'époque, on en dénombre au moins 4 qui sont nées dans l'île : Jean PELLET (79 ans), Louis JULIEN (74 ans), Charles VIGANIGA (73 ans), Lazare PELLET (72 ans) et les descendants du groupe initial qui habitait dans l'île dans les 10 ans qui suivent la création du village sont nombreux.
En conclusion on peut reprendre une phrase d'un rapport d'un capitaine du génie écrit en 1850.
"Il n'existe dans l'ile, aucune cause qui puisse nuire à la santé ; aussi le sang y est beau et les habitants atteignent généralement une grande vieillesse."